Collection de tracts et documents officiels [AC 48/1] : II mouvements de résistance : C Grands Tracts; Lettres ouvertes et lettres émanant du gouvernement en exil, [1939-1945] - Photo n° 524250
Photo n°
524250
:
LETTRE D'UN MEDECIN A TROIS JURISCONSULTES. Nederoverockerzeel,le 22-1O-42. Mec chers Maîtres, La plupart de mes confrères et moi avions refusé de nous soumettre à l'arrêté du 26 novembre 1941, par lequel le sieur Romsée a prétendu instituer en Belgique un ordre des médecins sur le modèle nazi. Dans la consultation que vous avez rédigée a l'époque pour le Collège des médecins, vous, avez souligné l'inconstitutionnalité et le. non-validité de cet arrêté. Dans la suite ont eu lieu des tractations mystérieuses entre les secrétaires généraux et certaines autorités judiciaires; un arrêté du 6 juillet I942a amendé légèrement l'arrêté du 27 novembre 1941, sans apaiser aucune des critiques soulevées par celui-ci: pouvoirs dictatoriaux conférés à des chefs non choisis, notamment pouvoir d'établir arbitrairement un code de déontologie,d'intervenir dans l'activité des médecins,de régler leur établissement, do leur imposer des modalités contractuelles,.... ; enfin, un arrêté du 15 juillet I942 a confirmé "on vertu d'une délibération conforme des secrétaires généraux", les deux arrêtés précédents., Consultés à nouveau par le collège des Médecins,vous lui avez remis un avis, qui a déterminé cette fois la majorité des membres du corps médical à s'incliner. Or, mes Chers Maîtres,notre conscience n'est peint en repos. "Le préambule (do l'arrêté du 13 juillet),mérite",nous avez-vous écrit,"de retenir l'attention". II y est en effet affirmé que c'est en raison des circonstances qu'il est impossible d'organiser l'Ordre des Médecins par application de la loi du 25 juillet l938,qu'-'il est toutefois urgent de réaliser une organisation professionnelle pour répondre aux "nécessités actuelles dé la santé publique ainsi qu'à l'éventualité d'événements militai-"res ou aux épidémies dont aurait à souffrir notre population. Ou ces propositions ne signifient rien ou elles ont un sens, que nous considérons, Comme obvie, que l'Ordre des Médecins, tel qu'il se comporte en vertu des arrêtés des 26. novembre I941 et 6 juillet 1942, est une institution "par essence transitoire et desti-née à être remisée des que les circonstances le permettront", pour reprendre les termes mêmes du préambule de l'arrêté de MM.Schuind et De Winter en date du 19 juin 1942. Vous apprécierez cette constatation à toute sa valeur. D'autre part, il est encore affirmé dans l'arrêté du 15 juillet que "l'organisation d'une juridiction professionnelle qui respecterait dans toute la mesure des possibilités les principes de la loi du 25.juillet I938" est réservée. Ainsi se résume et se précise, à notre avis,la portée des arrêtés nouveaux qui "vous concernent." Cette "précision" nous a plongés dans une perplexité qui dure encore. Notre profession ne nous exerce guère â discrimer l'obvie du non-obvie;elle nous habitue quelque peu à distinguer le vrai du faux; et, sur ce terrain, "toute la valeur" que nous devons reconnaître aux constatations du préambule de l'arrête, est celle d'audacieux et grossiers mensonges. Mensonge, qu'il fut impossible d'organiser l'ordre des médecins conformément à la loi du 25 juillet I938. La mandante de M.Romséo, l'autorité allemande s'oppose-t-elle à cette organisation ? Le mot impossibilité ne convient pas à l'empêchement que l'on crée de su propre-volonté. en plus, a convention de La Haye n'oblige-t-elle pas l'autorité allemande à la fois à assurer la santé de la population du pays occupé et à respecter la législation de ce pays ? Mensonge encore quand le sieur Romsée invoque les nécessités actuelles de la santé publique et l'eventuslité d'événements militaires et d'épidémies. Notre législation nationale offre cent moyens honnêtes et infiniment plais efficaces qu'une oorpora tion à l'hitlérienne, pour répondre à ces nécessités et à ces éventualités.De même qu' il existait cent moyens autres que la Corporation de l'Agriculture,-un jugement connu de tous l'a proclamé , pour adapter aux circonstances du jour, la production agricole.