Collection de tracts et documents officiels [AC 16/7] : II mouvements de résistance : tracts du Parti Socialiste: Lettre ouverte à MM. les Bourgemestres, Bruxelles janvier 1942, 01/1942. - 2 photos - Photo n° 297828
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Lettre ouverte à MM. les Bourgmestres Bruxelles, janvier 1942. M. le Bourgmestre, Nous requérons votre attention sur l'impérieuse nécessité qu'il y a, pour les éléments sains de l'administration belge de se raidir contre la volonté de l'occupant, dans les cas où celui-ci, par force ou par ruse, veut se servir des autorités belges, soit pour les entraîner dans la voie de bouleversements administratifs et législatifs à l'encontre de nos traditions de liberté, d'indépendance et de démocratie, soit même à des fins favorisant directement l'économie de guerre du Reich allemand, ce qui est très grave, non seulement parce que contraire aux règles du droit international, mais aussi et surtout parce que contraire à l'honneur national. NOUS SOMMES EN GUERRE En effet, il faut se souvenir toujours que la Belgique est en état de guerre avec le Reich. Il en est ainsi par l'agression du 10 mai 1940. Nous ne l'avons pas voulu. Des conséquences en résultent qu'un Bourgmestre belge n'a pas le droit de méconnaître. L'état de guerre cesse ou bien par une convention (traité de paix) ou bien sans convention lorsque l'ennemi supprime unilatéralement l'Etat vaincu. A ce jour, rien de pareil n'existe. Juridiquement, notre situation est la suivante : 1° nous sommes en état de guerre ; 2° notre territoire est occupé, DROITS ET DEVOIRS Une telle situation est régie par le droit international ; il en découle à la fois des droits et des devoirs, tant pour nous que pour l'occupant. C'est ainsi que, pour nous en tenir aux principes les plus généraux, l'occupant a un droit de réquisition pour les besoins de l'armée d'occupation. 11 a le droit d'administrer le pays, de prendre les mesures nécessaires au maintien de l'ordre ; il est admis qu'il pourrait même modifier la législation existante, mais seulement dans les cas de nécessité et d'urgence absolues et uniquement dans l'intérêt des habitants. Par contre, il a le devoir de veiller à la subsistance des habitants et de leur assurer l'ordre, la tranquillité, le respect de leur personne et de leurs biens. Ces droits sont nés de la force qui a permis l'occupation. Aussi étendus soient-ils, ils doivent être acceptés par la population non combattante, dans son propre intérêt. LIMITES Toutefois, cette occupation et les droits qu'elle reconnaît ne sont pas sans limites. Leurs limites sont naturellement indiquées dans le fait que l'état de guerre per- siste pendant l'occupation. Il en découle que l'occupant est sans droit pour imposer à la population et que celle-ci n'a pas le devoir d'accepter des prestations ou des livraisons qui la mettraient en position de « trahir » son pays si elle devait consentir à les exécuter. Ces principes sont consacrés par la morale et les conventions internationales que les Allemands se targuent de respecter. Cette prétention ne va pas jusqu'à les empêcher de tourner cette morale et ces conventions par la ruse alliée à la contrainte. INGERENCE INADMISSIBLE En fait, ils ont fait l'économie d'une administration civile allemande pour notre pays. Ils usent de l'administration belge existante ; ils lui impriment la direction voulue par eux, non pas pour la simple sauvegarde des intérêts belges, non pas non plus pour l'unique satisfaction des besoins de l'armée d'occupation, mais pour le bénéfice de l'économie de guerre allemande, ce qui est inacceptable pour n'importe quel fonctionnaire belge qui a gardé intact le sens de l'honneur national qu'il a mission de représenter devant l'ennemi. Les exemples de l'ingérence allemande dans notre administration abondent. Sous l'impulsion de l'ennemi, l'administration est amenée à faire œuvre antinationale : distinction et bouleversement de nos institutions les plus chères, anéantissement des garanties de nos libertés, naissance d'organismes nouveaux essentiellement antidémocratiques, création d'un régime odieux d'absolutisme administratif aux mains de gens qui, vous le savez et ils le savent aussi, seraient irrémédiablement balayés pour peu que nous ayons encore le bénéfice de nos libertés. Bornons-nous à des exemples qui vous touchent : ne connaissez-vous pas la mise à l'écart de certains de vos collègues, bourgmestres et échevins estimés, remplacés par des créatures dociles ? Ne connaissez-vous pas la tendance à vous transformer, contre toutes les saines traditions du pays, en fonctionnaires étroitement liés à l'administration centrale, chargés de remplir, moyennant salaires, les besognes les plus viles, les plus rebutantes, les plus impopulaires ? N'est-ce pas votre police qu'on a chargée du contrôle des caves à charbon de vos administrés claquant de froid dans leurs habitations, pour que le plus de charbon possible soit exporté en Allemagne pour des œuvres de guerre ? N'avez-vous pas eu des haut-le-cœur devant la publication de certains avis à laquelle on vous oblige ? N'est-ce pas à vous, bourgmestres belges, qu'on a honteusement endossé le soin d'organiser la récupération des métaux non ferreux, vous obligeant ainsi à aider l'ennemi dans la poursuite de sa guerre ?