Collection de tracts et documents officiels [AC 16/7] : II mouvements de résistance : tracts du Parti Socialiste: Lettre ouverte à MM. les Bourgemestres, Bruxelles janvier 1942, 01/1942. - 2 photos - Photo n° 297829
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Ne vous attendez-vous pas a être chargés prochainement d'autres récupérations de produits dont vos administrés ont le plus pressant besoin ? Et allez-vous vous incliner indéfiniment pour que vous soyez mis dans le même sac que les créatures nouvelles et abjectes dont la nomination a reçu l'approbation bienveillante de l'ennemi souriant d'aise ? VOTRE CONSCIENCE Nous savons que si vous suiviez d'un trait l'élan qui monte de vos consciences, vous claqueriez la porte de votre bureau à ces insupportables intrusions. Nous savons que beaucoup d'entre vous ont résisté déjà; nous savons aussi à quels mensonges, à quelles menaces, à quel chantage on a eu recours pour vous amener à céder. PERPLEXITES Nous devinons vos perplexités. Elles viennent : 1° de l'attitude de l'administration centrale et 2° de votre crainte du pire. Sans aucun doute, l'administration centrale et les secrétaires généraux sont loin d'avoir adopté l'attitude de résistance qui les honorerait, que le pays souhaite et qui les sauverait de la honte. Mais ces gens sont maintenant trop près de l'occupant et trop loin du pays pour entendre ce que celui-ci souhaite impérieusement. C'est ce qui arrive dans les temps et les pays où les organes de l'opinion sont forcément muets. Toutefois, il est des magistrats qui sont tout près des citoyens; ils sont un organe de liaison entre les communes autonomes et le pouvoir central. Vous vous reconnaissez, M. le Bourgmestre. Vous êtes ce magistrat, proche du peuple, l'entendant, l'écoutant. Vous avez le devoir dans des temps comme ceux-ci, de faire entendre hautement, dans les sphères du pouvoir, la voix de l'opinion par ailleurs baillonnée. En le faisant, vous resterez dans les traditions qui, chez nous, ont soulevé dans d'autres temps, les communes contre d'autres oppressions. Vous craignez le pire, dites-vous, et le pire serait d'être remplacé à votre poste de confiance où vous ont mis votre population et le Roi, par des éléments nouveaux qui iraient au-devant des désirs de l'occupant et des troublions à sa solde. Il est relativement facile de rester à son poste si rester à son poste consiste à tout accepter en se taisant. Il faut pouvoir y remplir ses fonctions conformément à la confiance des citoyens. Pouvez-vous le faire encore, Monsieur le Bourgmestre, si vous n'êtes plus hélas, qu'un jouet aux mains de l'occupant et si le seul résidu de votre autorité consiste à communiquer par voie d'affiches des choses désagréables à vos administrés, heureux encore quand ces choses ne frisent pas la trahison ? La confiance mise en vous, vous la satisferez hautement par un refus énergique d'accomplir désormais des actes contraires à toute légalité nationale et internationale. Au besoin, ce refus s'exprimera par une démission dont le retentissement sera salutaire. Le peuple regarde vers le haut. D'ailleurs n'avez-vous pas le sentiment que si vous vouliez remplir avec honneur votre devoir de magistrat belge, vous deviendriez bien vite un indésirable et seriez aussi vite « débarqué » sous un prétexte quelconque par le sieur Romsée, usurpateur choisi et imposé par l'ennemi ? RESISTANCE ET AU BESOIN DEMISSION COLLECTIVE Dans ces conditions, à quoi bon rester ? Pour sauver quoi? Peu... et perdre l'honneur! Dans ces conditions, ne croyez-vous pas qu'il conviendrait de partir avec hauteur et ensemble sur une question qui engage l'honneur national et votre patriotisme, plutôt que de vous faire chasser honteusement sur une vétille par les valets de l'occupant ? Votre geste serait apprécié à sa valeur pas vos administrés. Il aurait la valeur d'un exemple. La population tient les yeux fixés sur l'élite et les chefs. Elle attend d'eux que soient réclamés de l'occupant le respect de ses droits et de son honneur. Votre résistance s'incrira orgueilleusement dans les belles pages de notre histoire nationale. Résistez, Monsieur le Bourgmestre. Le droit vous y autorise. Si on passe outre, démissionnez en bloc avec vos collègues. Notre honneur vous l'impose. LA REDACTION DE « L'ESPOIR »